Dépression infantile
La dépression infantile est un trouble psychiatrique qui peut affecter les enfants et les adolescents et doit être pris très au sérieux. Elle comporte certains symptômes en commun avec la dépression de l’adulte, mais elle se manifeste de façon distincte en raison des différences de développement et des capacités de communication propres à l’enfant.
Comprendre la dépression infantile
Les symptômes de la dépression infantile varient en fonction de l’âge de l’enfant. En effet, l’’enfant et l’adolescent sont à des stades de développement différents. En psychanalyse, on découpe l’enfance en trois période : de 0 à 6 ans période de crise (stade oral, anal, phallique), de 6 à 12 ans période de latence, et de 12 à 18 ans période de crise (la crise d’adolescence). Chaque période de l’enfance a des manifestations d’état dépressif spécifiques.
Pour un enfant de 0 à 6 ans, quels symptômes dépressifs ?
Dans cette tranche de vie, l’enfant travaille au développement de la motricité, et à l’apprentissage de la propreté, du langage et de l’autonomie. Il intègre son individualité, se détache peu à peu de ses parents, et apprend à gérer ses angoisses (angoisses de séparation, terreurs nocturnes, etc.). C’est aussi une période où il commence à apprendre les bases du « vivre en société » (en collectivité) en intégrant l’école. Autant dire que beaucoup de choses sont au programme, et c’est pourquoi Sigmund Freud parle de « période de crise ». Voici les symptômes dépressifs observables sur cette tranche d’âge :
– des émotions exacerbées : crises de larmes ou crises de colère fréquentes, une forte irritabilité, de l’agressivité, une humeur qui fluctue brutalement alternant tristesse-abattement et excitation-agitation, des prises de risques inutiles (courir dans la rue…)
– des changements de comportements : abandon des jouets ou activités préférés, difficulté à s’amuser et jouer.
– un sommeil très perturbé : des terreurs nocturnes répétitives, des cauchemars récurrents, de grandes difficultés à l’endormissement avec angoisse de la séparation de la mère (ou du père) prononcée, présence d’insomnie ou hypersomnie.
– une angoisse de séparation intense : l’enfant est excessivement attaché à l’un de ses parents (ou un soignant ou une maîtresse). Cette personne lui apportant du réconfort, les séparations (les « au revoir ») sont extrêmement difficiles et douloureuses et génèrent de longues crises de larmes.
– des comportements anxieux prononcés : l’enfant peut régresser en propreté (énurésie), il peut se faire « du mal » (par exemple se gratter jusqu’à saigner), avoir une attitude obsessionnelle et frénétique de succion (tétine, pouce, doudou, vêtements), etc.
– un ou plusieurs retards dans le développement : retard en motricité, retard de langage, retard de propreté.
– des somatisations : plainte de maux de ventre, maux de têtes, et autres douleurs corporelles, sans qu’il y ait de causes médicales apparentes.
– un changement d’appétit : perte d’appétit et de poids, ou manger en excès avec prise de poids.
Les productions de l’enfant (dessins) peuvent également être un indice.
En cas de doutes sur l’origine de certains symptômes, comme les retards, les difficultés cognitives, les difficultés de sommeil et d’appétit : il est primordial de faire les examens nécessaires pour écarter toutes potentielles causes physiques, avant de partir sur une recherche de causes psychologiques. Il faut savoir avancer pas à pas en tâchant de ne pas transmettre ses angoisses de parents à son enfant.
Pour un enfant de 6 à 12 ans, quels symptômes dépressifs ?
Durant cette tranche de vie, l’enfant se concentre sur le développement de ses amitiés, de ses compétences (renforcement de son autonomie, de sa motricité, de son langage) et de ses connaissances (apprentissage scolaire : lire, écrire, compter, « questionner le monde »). Sigmund Freud parle de « période de latence ». Voici les symptômes dépressifs observables sur cette tranche d’âge :
– tristesse prolongée (plusieurs semaines, mois).
– désintérêt pour les jeux et activités qu’il aimait auparavant.
– trouble du sommeil : angoisses à l’endormissement, insomnie, hypersomnie, cauchemars récurrents, énurésie.
– trouble de l’appétit.
– nervosité excessive : forte agitation, colère et irritabilité.
– manque d’énergie : sensation de fatigue persistante, difficulté à se lever, comportement moins actif qu’à l’accoutumé.
– difficultés cognitives : difficulté de concentration mémoire et apprentissages, tant à l’école qu’à la maison, par conséquent, difficulté ou échec scolaire.
– mésestime de soi et culpabilité : sentiment d’être inutile, d’être coupable de quelque chose (de ne pas satisfaire ses parents, d’être nul à l’école, de ne pas réussir à avoir des amis, d’avoir provoqué la séparation de ses parents, de ne pas être aussi aimable que son frère ou sa sœur, etc.).
– sentiment de solitude intense.
– idées noires : pensée de mort, idées suicidaires (pour les cas graves).
Symptômes dépressifs de l’adolescent (12 – 18 ans)
La crise d’adolescence est une crise identitaire, une période d’affirmation de soi et d’opposition (aux parents). L’ado subit des modifications physiques et hormonales (puberté, maturité sexuelle), sa sensibilité émotionnelle est mise à dure épreuve. Voici les symptômes dépressifs observables chez l’adolescent :
– tristesse prolongée (plusieurs mois) : sensation de vide et de désespoir.
– colère et irritabilité excessives et régulières.
– désintérêt de ses loisirs et des relations sociales : repli sur soi, mutisme.
– troubles du sommeil.
– changement de comportement à l’alimentation : avec prise ou perte de poids.
– fatigue constante et manque d’énergie : difficulté à faire quoi que ce soit, apathie.
– difficultés cognitives : concentration, mémoire, apprentissages.
– scolarité compliquée : baisse des performances scolaires, échec scolaire, « sécher » les cours.
– mauvaise estime de soi : auto dénigrement, sensation d’être inutile, bon à rien.
– sentiment de culpabilité d’être « comme ça », de mal faire, etc.
– sentiment de solitude profond : exclusion, isolement, harcèlements, etc.
– comportement addictif : cannabis, drogues, alcool, médicaments, anorexie, boulimie, pornographie, sexuel, etc.
– comportement auto-destructeur : comportement à risque, scarifications, rapports sexuels multipliés et non protégés, consommation de substances illicites, etc.
– idées suicidaires.
Il faut être particulièrement vigilant au harcèlement, quel qu’il soit. L’enfant, l’adolescent est souvent aux prises de sentiments de honte et de culpabilité profonds lorsqu’il est harcelé. Il va souvent minimiser, ou faire seulement quelques allusions suggestives, ou se taire. En tant que parent, il est primordial d’expliquer les différentes formes que peut prendre le harcèlement afin que votre enfant soit informé de ce que c’est, qu’il sache que ce sont des choses qui peuvent arriver et qu’il est naturel d’en parler. Il est important d’instaurer une relation de confiance et de communication avec votre enfant depuis son plus jeune âge. Pour cela, encouragez-le à s’exprimer et se confier, mais sans jamais le forcer s’il n’en a pas envie, et en respectant son jardin secret. Pensez à lui rappeler régulièrement qu’il peut vous parler à tout moment quand il en ressent le besoin, et de tout ce qui le chagrine.
Les problèmes de harcèlement scolaire se posent avec d’autant plus d’acuité de nos jours en raison du développement des technologies numériques. On entend fréquemment parler de Cyber harcèlement via les réseaux sociaux chez les collégiens et les lycéens. Les actualités ont pu rapporter ces dernières années des cas de violences psychologiques extrêmes ayant conduit l’adolescent à un passage à l’acte du suicidaire. Étant donné la dangerosité potentielle, cela requiert une vigilance particulière de la part des parents (surtout) et du corps enseignant. Il ne faut jamais prendre à la légère tout ce qui pourrait s’apparenter à des prémices de harcèlement psychologique, car n’oubliez pas que la personne qui en est victime a tendance, la plupart du temps, à taire ou à minimiser les faits et sa souffrance. Deux numéros gratuits ont été mis en place : le 3020 pour le harcèlement, et le 3018 pour le cyber harcèlement (avec une équipe dédiée composée de psychologues, juristes et spécialistes des outils numériques).
Dépression chez l’adolescent et comportements addictifs
La dépression chez les adolescents et l’addiction sont deux problèmes de santé mentale qui peuvent souvent se chevaucher. L’un risque de provoquer l’autre, et réciproquement.
L’état dépressif augmente les risques d’avoir un comportement addictif. La progression de l’addiction finit souvent par créer une accoutumance, et donc une envie de « plus » (plus fort, plus souvent), ce qui peut installer une dépendance.
La dépendance est un trouble mental du comportement. Elle s’installe plus ou moins rapidement en fonction de la substance ou l’activité en cause, et selon la psychologie et la fragilité de l’adolescent.
Ces deux troubles doivent alors être traités simultanément, ce qui complexifie la situation, et la guérison (choix du traitement médicamenteux par le psychiatre, suivi psychothérapeutique possiblement plus long car les problèmes sont plus lourds).
Dépression infantile : causes et facteurs de risque
Comme toute dépression, elle est le résultat d’une combinaison de facteurs biologiques, environnementaux et psychologiques.
Les antécédents familiaux ou une vulnérabilité génétique jouent un rôle dans le développement de la dépression de l’enfant.
Les situations environnementales stressantes ou traumatisantes peuvent déclencher une dépression, telles que : le divorce des parents, le décès d’un proche, la maltraitance ou la négligence, le harcèlement, des difficultés scolaires, des problèmes amicaux, l’isolement, l’exposition à la violence ou à l’abus de substances, la pauvreté ou l’instabilité résidentielle, etc.
Le tempérament et la personnalité en elle-même de l’enfant sont susceptibles de favoriser le basculement dans un état dépressif. Par exemple, si l’enfant est de nature pessimiste, perfectionniste, avec une faible estime de soi, une sensibilité particulière au rejet et à l’échec, et une tendance forte à l’autocritique.
Le fait de se sentir différent des autres est source de stress profond, cela induit des difficultés de s’intégrer au groupe. Être hors norme, « ne pas rentrer dans les cases » peut être vécu de façon très douloureuse. Si l’enfant présente un problème de santé physique (diabète, épilepsie, etc.) ou un problème de santé mentale (TDAH, TSA, troubles anxieux, etc.) ou troubles des apprentissages (dyslexie, dyspraxie, etc.) : cela peut favoriser un état dépressif. Les troubles mentaux demandent à l’enfant une capacité d’adaptation importante, il peut subir des moqueries et avoir des difficultés dans ses relations sociales. Son estime de soi peut alors chuter. Les maladies chroniques s’accompagnent souvent de stress et d’anxiété. L’handicap physique met en difficulté l’intégration sociale, génère de la frustration en raison de la réduction des activités, des cours, etc.
La dépression chez l’enfant : diagnostic et traitement
Le diagnostic de la dépression chez les enfants se fait par un pédopsychiatre. Lors des premiers rendez-vous, il questionnera les parents et l’enfant pour mieux comprendre les symptômes, ses pensées, ses comportements et son contexte de vie (familiale, scolaire, amicale). Il prend en compte les antécédents familiaux, les troubles ou maladies déjà diagnostiquées s’il y en a, ainsi que les traitements médicamenteux et thérapeutiques courants déjà mis en place.
Le psychiatre pourra suivre des questionnaires types et demander d’autres tests ou bilans, afin de préciser le diagnostic et le traitement approprié pour l’état dépressif de l’enfant.
Troubles dépressifs chez les enfants : difficultés du diagnostic
La complexité du diagnostic est souvent due à la difficulté de cerner précisément l’ensemble des symptômes. Les enfants et les adolescents peuvent avoir du mal à expliquer leurs ressentis ou à verbaliser les choses : certains symptômes peuvent être mal compris ou ignorés.
Le psychiatre doit également prendre en considération la culture familiale (origines ethniques, foi, etc.), des éléments qui jouent sur le comportements et les ressentis de l’enfant.
Par ailleurs, s’il y a déjà un diagnostic de trouble (tel que le TDAH, le TSA, le trouble anxieux, etc.), les symptômes s’entremêlent et se confondent : il est possible de passer à côté d’un état dépressif.
Le déni et la peur des stigmatisations vis-à-vis des maladies mentales peut faire perdre du temps et différer le diagnostic d’une dépression infantile.
Les parents peuvent passer à côté de la dépression de leur adolescent, car une bonne partie des caractéristiques symptomatiques sont également classiquement présentes chez un adolescents non dépressif (fatigue, problème d’appétit ou de sommeil, mollesse, difficulté de concentration, etc.)
Le traitement de la dépression chez les enfants
Le traitement de la dépression infantile nécessite généralement une psychothérapie, une aide pharmacologique et des modifications sur l’hygiène et le mode de vie de l’enfant.
La psychothérapie est un espace de parole privilégié pour l’enfant dépressif. Le psychologue va l’aider à identifier ses émotions, à les exprimer, à les canaliser (d’autant plus avec les jeunes enfants). Le thérapeute peut amener un cadre, un modèle référent et l’aider à prendre sa place vis-à-vis des autres (famille, école). Il peut le guider lorsqu’il est en difficulté et qu’il se sent perdu.
La dépression infantile modérée ou sévère se traite généralement avec des antidépresseurs et s’accompagne d’un suivi pédopsychiatrique régulier et rigoureux. Les inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine (ISRS) sont souvent le premier choix.
Il faut cependant être particulièrement vigilant sur l’équilibre entre bénéfices et effets secondaires immédiats et à distance : n’oublions pas que ces médicaments ont un effet d’accoutumance et peuvent créer des dépendances. Ce risque peut être majoré lorsqu’on a eu recours à ce type de traitement durant l’enfance.
Au niveau scolaire, un aménagement peut être envisagé : nombre d’heures de cours hebdomadaires réduites, accompagnement d’une AVS (auxiliaire de vie sociale), mise en place d’un PAP (parcours d’accompagnement personnalisé), etc.
Si l’enfant ou l’adolescent fait une crise importante, il est possible de l’hospitaliser.
Prévention de la dépression chez l’enfant
La prévention de la dépression infantile commence par la prise d’informations relative aux symptômes afin d’être en capacité de les repérer s’ils surviennent.
Essayez d’apporter une éducation basée sur la confiance et la communication bienveillante. Échangez avec votre enfants sur les solutions possibles dans telle et telle situation pour mieux gérer le stress, la frustration et la résolution de problèmes. Connaissant bien votre enfant et les contextes émotionnellement difficiles pour lui, anticipez avec lui, sur ce qu’il peut se passer et comment il pourrait réagir s’il ne se sent pas bien.
Encourager ses efforts en les valorisant. Ne le comparez jamais à d’autres enfants : comparez-le à lui-même seulement pour qu’il puisse constater ses progrès. Soyez authentique, ne le survalorisez pas, ne le sous-estimez pas non plus. Les ouvrages sur l’éducation positive recommandent de mettre en avant deux remarques positives et un point de progrès.
Ayez une hygiène de vie équilibrée parsemée de rituels réconfortants et sécurisants émotionnellement. Soyez attentif à ce que votre enfant se sente bien dans ses relations sociales (son cercle, votre cercle).
En cas de doute, n’hésitez pas à en parler à votre médecin traitant ou à un spécialiste de la santé mentale. Il est préférable de s’être inquiété « pour rien » plutôt que de ne pas agir. Une dépression infantile prise en charge tôt guérira plus vite.
La dépression infantile doit être prise au sérieux car elle peut affecter profondément l’enfant dans son développement et sa qualité de vie (dans le présent et dans le futur). Chaque tranche d’âge a ses particularités et certains symptômes diffèrent. Soyez particulièrement vigilant aux comportements et aux paroles de votre enfant. Si vous avez des doutes sur son état psychique, demandez l’avis de votre médecin ou d’un pédopsychiatre (de préférence en milieu hospitalier).
FAQs :
Mon enfant est en échec scolaire est il nécessairement en dépression ?
Un échec scolaire peut avoir plusieurs causes, la dépression en est une mais ce n’est pas la seule. En effet, l’échec scolaire peut être en lien avec des troubles de l’apprentissage, les « Dys » : dyslexie, dyscalculie, dyspraxie, etc. Il peut aussi être généré par un déficit attentionnel ou TDAH (Trouble De l’Attention avec Hyperactivité). Il peut également être en lien avec des difficultés relationnelles entre votre enfant et les autres élèves ou les professeurs.
Je suis en dépression, quelles sont les chances que mes enfants fassent une dépression ?
La dépression n’est pas contagieuse, il n’y a pas de lien de cause à effet de façon immédiate. Si vos enfants sont témoins de votre état dépressif, il se peut qu’ultérieurement ils développent à leur tour une dépression, toutefois les risques sont moindres car une dépression a des causes multifactorielles : héréditaire, biologique, environnementale et psychologique.
Mon adolescent est constamment de mauvaise humeur, est-il dépressif ?
La mauvaise humeur d’un adolescent est en lien avec la période de vie qu’il traverse : la crise d’adolescence. Tous les adolescents rencontrent des bouleversements hormonaux et émotionnels, ce qui peut très souvent générer une humeur désagréable mais pas nécessairement une dépression. Il faut observer s’il y a d’autres symptômes en plus de la mauvaise humeur.
Mon enfant a un retard de langage et de motricité, est il dépressif?
Les retards de langage ou de motricité peuvent être en lien avec diverses choses. Il est nécessaire de prendre les choses dans l’ordre, de d’abord écarter toutes les causes potentielles physiques avant d’envisager une cause psychologique. Les retards peuvent être dus à des problèmes d’audition, de vue, d’hypertonie musculaire, etc.
Mon enfant a des difficultés à se faire des amis, est ce que ça va le conduire à une faire une dépression?
La dépression est multifactorielle : génétique, biologique, psychologique et environnementale. Les difficultés relationnelles peuvent être une conséquence de la « différence » de l’enfant par rapport au groupe : différence physique, de sensibilité, de maturité, de personnalité, etc. Cela peut rendre les relations sociales plus complexes pour votre enfant, néanmoins cet élément seul ne suffit pas à conduire à une dépression, il peut y contribuer si d’autres facteurs interviennent.
Voir aussi :