Dépression et rejet du conjoint
La dépression suscite des perturbations relationnelles, en particulier au sein du couple. Le conjoint dépressif s’isole petit à petit et peut aller jusqu’à rejeter son partenaire. Parce qu’il doute de la capacité d’empathie de ce dernier, il peut souhaiter, par amour, ne pas lui peser et le protéger en le repoussant. Il peut aussi s’éloigner parce qu’il ressent de la honte, ou encore par le seul fait qu’il se retrouve totalement coupé de ses émotions à cause de la lourdeur de son traitement médicamenteux. Par ailleurs, il est également possible que le conjoint du dépressif en arrive à le rejeter : par déni ou incompréhension de la maladie, et au bout d’un certain temps par épuisement.
Vous vous questionnez sur l’incidence précise de la dépression sur votre couple? Dans cet article, nous allons recenser d’une part les symptômes dépressifs pouvant être interprétés à tort comme du rejet, et d’autre part les différentes formes de rejets avérés et ce qui les motive. Vous verrez aussi que traverser une telle épreuve avec compréhension et soutien, permet de renforcer votre couple.
Qu’est-ce qu’une dépression?
La dépression est une maladie mentale qui a un impact sur le fonctionnement habituel de la personne qui en est atteinte. Ce trouble mental génère des fluctuations d’humeur importantes. Un dépressif ressent une tristesse profonde associée à des idées de plus en plus négatives avec un sentiment de désespoir qui s’amplifie à mesure que la dépression s’installe. Ceci va engendrer bien évidemment d’autres symptômes.
Contrairement aux maux physiques, et malgré l’information de plus en plus vulgarisée sur le sujet, l’état dépressif peut encore susciter de nos jours un certain nombre de préjugés de la part de l’entourage, de l’incompréhension, voire même de l’incrédulité, alors qu’il s’agit incontestablement d’une vraie maladie.
Quels sont les symptômes de la dépression?
Les symptômes de l’état dépressif sont multiples et peuvent varier d’un individu à l’autre. En général, la personne ressent une fatigue psychique et physique importante, elle perd de son énergie vitale et ne parvient plus à se reposer correctement. Elle est émotionnellement particulièrement sujette au stress, aux angoisses et aux ruminations. Son humeur devient instable et son moral chute progressivement. Son sommeil en pâtit fortement : difficulté à l’endormissement, réveils nocturnes empêchant un sommeil de qualité, insomnie, hypersomnie, réveil difficile le matin avec parfois des effets de somnolence durant la journée.
Cette fatigue persiste et les performances cognitives diminuent : présence d’un déficit attentionnel, difficulté de concentration, trous de mémoire, peine à prendre des décisions. La personne peut alors ressentir une baisse de son estime de soi et avoir tendance à se renfermer sur elle-même. Les conventions sociales requièrent pour elle un effort qui lui coûte de plus en plus : sourire, écouter, échanger, essayer de faire bonne figure.
Le dépressif ne parvient plus à prendre du plaisir et à se réjouir des activités habituelles qu’il appréciait auparavant. Il s’isole, évite un maximum les interactions sociales. Son sentiment de tristesse devient constant et il est aux prises avec des idées négatives, défaitistes voire des pensées suicidaires.
Il apparaît oisif aux yeux des autres, il procrastine car toutes tâches de la vie quotidienne lui sont coûteuses (se lever, se laver, s’habiller, faire le ménage, les courses et les repas, régler les factures et autres tâches administratives, etc.).
Il peut ressentir de l’impuissance, de la culpabilité et du désespoir face à sa situation.
Lorsque les symptômes deviennent de plus en plus manifestes et se renforcent, il lui est alors difficile, voire quasiment impossible de mener à bien son travail ou ses études (absentéisme, burn out, mauvais résultats scolaires).
Problème de santé mentale : incidences sur la vie de couple
Les problèmes de santé mentale peuvent générer des complications dans les relations sociales et dans la vie amoureuse. Le conjoint de la personne qui en est atteint doit faire preuve de compréhension, de compassion, de tolérance et de patience. Il est vraiment nécessaire de comprendre la maladie et d’être bien renseigné, afin de pouvoir à la fois être d’un bon soutien et savoir se préserver. Certains comportements du « malade » ne sont pas en lien direct avec son conjoint et il s’agit de ne pas en faire une affaire personnelle.
les symptômes dépressifs susceptible de mettre à mal le couple
L’isolement social de la personne dépressive peut inclure le repli sur soi, même face à leur proche et dans leur couple. C’est un symptôme de la dépression mais le conjoint peut mal l’interpréter et vivre cela comme un désintérêt ou un rejet.
Les changements d’humeur du dépressif provoquent de l’irritabilité et des réactions excessives à des situations normalement gérables. Cela peut créer tensions et conflits au sein de la relation : une communication mauvaise ou absente, un manque de réceptivité du malade, des oublis, etc. Le conjoint peut interpréter cela comme de la nonchalance et estimer que l’autre rend la relation toxique sans aucune raison.
La dépression a généralement une incidence sur la libido. La baisse ou l’absence de désir sexuel peut être vécue comme un rejet par le conjoint.
Le dépressif a une image très négative de lui-même et il peut croire qu’il ne mérite pas l’amour et le soutien de son entourage. Dans ce cas de figure, il peut décider de fuir et repousser son conjoint dans le but de le « protéger ».
Si votre conjoint est dépressif et semble vous rejeter, la première chose à faire est d’essayer de comprendre que ce comportement est probablement lié à sa maladie et non à quelque chose que vous avez fait.
Troubles de l’humeur et troubles dépressifs : un challenge pour le couple
Le trouble dépressif et autres troubles de l’humeur impliquent certaines complications au sein d’un couple. Toutefois, si vous faites la démarche de comprendre le trouble de votre conjoint, votre positionnement et votre communication seront facilités. Il est important de saisir les fragilités de votre partenaire, les déclencheurs et les symptômes de son trouble, ceci pour plusieurs raisons : pour ne pas faire d’amalgame sur son attitude, pour adapter certaines attentes de votre part, pour vous préserver et pour ne pas aggraver l’intensité des symptômes de votre conjoint.
Lorsqu’on pense troubles de l’humeur viennent à l’esprit : les troubles anxieux, la cyclothymie, la bipolarité, la dépression, etc. Il ne faut pas négliger également les conséquences d’un stress post traumatique (SPT) qui peut induire des variations d’humeur importantes, des émotions exacerbées et perturbées. Ces réactions sont souvent brutales et pas toujours comprises, elles apparaissent lorsqu’une situation réactive les traumatismes vécus.
N’oubliez pas que la maladie ne définit pas une personne. C’est bien évidemment une donnée à prendre en compte, et il est légitime de douter de votre capacité à gérer une relation amoureuse avec une personne atteinte de troubles de l’humeur. Pour autant, il ne faut pas en avoir peur, la connaissance de son trouble et les traitements auxquels elle a recours (médicaments, psychothérapie) peuvent permettre au dépressif de mener une vie équilibrée.
Les traitements pharmacologiques des troubles dépressifs
Lorsque le patient dépressif suit un traitement médicamenteux adapté, il peut voir s’atténuer certains symptômes de sa dépression et trouver un peu de « confort » dans cette période critique. Le psychiatre doit évaluer la situation et trouver les molécules et les dosages qui conviennent au patient. Il est nécessaire de surveiller régulièrement l’efficacité du traitement afin de l’adapter et de le faire évoluer. Il s’agit de trouver le bon équilibre entre les bénéfices du traitement médicamenteux et les effets secondaires qui en découlent.
Médicaments : un équilibre entre bénéfices et effets secondaires
Trouver le bon traitement médicamenteux peut prendre du temps et il est nécessaire de faire une révision régulière en fonction de l’évolution de l’état du patient. Les antidépresseurs et les anxiolytiques peuvent apporter un vrai soulagement dans le quotidien du patient dépressif, à condition qu’ils n’occasionnent pas d’effets secondaires trop astreignants ou contre productifs.
Les antidépresseurs peuvent souvent provoquer des effets contraignants : une prise de poids, des tremblements, des nausées, des effets de somnolences, une diminution de la libido. Cela peut également générer des effets contre-productifs, comme par exemple des insomnies. Notons que certaines personnes ne sont pas réceptives aux antidépresseurs et n’en retirent pas de bénéfices. Dans ce cas, le psychiatre peut alors suggérer de faire un traitement par ECT (électroconvulsivothérapie, anciennement appelé électrochoc, qui consiste à envoyer un courant électrique au niveau cérébral afin de créer une crise convulsive) qui peut donner de bons résultats.
Concernant les anxiolytiques (en particulier les benzodiazépines) une vigilance toute particulière est nécessaire. Ce type de molécules entraîne une dépendance physique et mentale dans la plupart des cas. On peut observer des effets secondaires pernicieux, à savoir de l’hypertension artérielle, des réactions allergiques, des hallucinations, des pensées suicidaires voire un passage à l’acte.
Médicaments : les répercussions dans la vie de couple
Malgré certains effets « apaisants » du traitement pharmacologique sur le patient, on constate certains désagréments pour le patient et donc pour son couple. Les effets secondaires augmentent souvent une mauvaise estime de soi : les tremblements et les difficultés mémorielles, le rapport à la nourriture et la prise de poids, les troubles du sommeil, etc.
Le dépressif se sent diminué dans ses capacités motrices et cognitives, ce qui génère une sensation d’être inutile, « bon à rien » et inintéressant, et augmente le repli sur soi. L’absence de désir sexuel et le rapport à son corps peut lui être difficilement supportable et l’amener à fuir tout contact et toute intimité. Face à de telles attitudes, le conjoint ressentira une forme de rejet ce qui peut être difficile à vivre, même s’il a conscience que c’est symptomatique de la dépression et des effets secondaires médicamenteux.
Les antidépresseurs visent à agir sur la biochimie du cerveau du patient afin de réguler ses humeurs et ses émotions. Le fait que ses émotions et ses ressentis négatifs soient atténués (tristesse, peur, angoisses, désespoir) implique que ses émotions positives et affectives le sont aussi. Quelque part, le patient est comme « coupé » de ses émotions. Les médicaments ne peuvent pas seulement agir sur les ressentis négatifs. C’est comme la chimiothérapie pour le cancer, les produits agissent tant sur les cellules cancéreuses que sur les cellules saines. La difficulté pour le conjoint est de vivre avec quelqu’un paraissant désintéressé de tout, froid, distant, et insensible à ceux qui l’entourent.
Enfin, le sentiment de responsabilité peut peser sur le conjoint. Les modifications du comportement du dépressif et la vigilance particulière concernant son état ou son traitement peuvent peser lourd. Cela peut induire chez le conjoint du stress, des inquiétudes, des peurs, de l’agacement, de la lassitude. Il est possible qu’il se sente tiraillé entre un sentiment de devoir de loyauté dû à son compagnon et une envie de fuir la situation.
La dépression met un couple à rude épreuve, mais à l’issue de la maladie, les liens affectifs peuvent en être renforcés. Tenir bon dans une période de fragilité, consolide et rend plus fort pour la suite.
Dépression et rejet du conjoint
L’arrivée d’une dépression chez l’un des partenaires du couple peut provoquer un sentiment de rejet de part et d’autre, et peut susciter l’envie de rejeter l’un ou l’autre. Dépression et rejet du conjoint : voyons les différentes facettes de la situation.
Le « proche rejetant » : le rejet du conjoint dépressif
Il existe différentes manières de réagir face à la dépression et à certains troubles mentaux. Il peut y avoir des « conjoints rejetant », culpabilisant, ou en déni total de la maladie.
Dans ces cas-là, le partenaire du dépressif rejette son conjoint, mais plus précisément il rejette la maladie dont est atteint son conjoint. Il peut alors se montrer fuyant, peu attentif, peu attentionné, et se fermer à la discussion et aux ressentis de son partenaire.
Il peut par ailleurs être maladroit et décourageant en faisant des remarques démontrant une totale incompréhension ou acceptation de la maladie, par exemple : « tu ne fais pas beaucoup d’effort », « secoue toi un peu », « je ne sais plus quoi faire avec toi », « il y a toujours quelque chose qui ne va pas, c’est fatigant », « et moi dans tout ça, t’y penses ? », « ça fait 4 mois que ça dure, ça va maintenant faut avancer », « je ne te demande pas grand-chose, je te demande juste de faire ça et t’en es pas capable », « si tu continues comme ça, je vais partir », « qu’est-ce que t’es « chiant(e) ». Lorsqu’on élimine de l’équation les symptômes de la maladie ou la maladie en elle-même, ce genre de phrases malveillantes peuvent surgir, même si le partenaire est bienveillant d’ordinaire.
Si vous faites une dépression, sachez que votre conjoint peut accepter votre maladie, se montrer soutenant dans un premier temps, puis à force ne pas tenir sur la durée et s’épuiser. Lorsque le dépressif exprime sa souffrance jour après jour par ses mots ou par ses actions et non-action : il se produit un processus d’usure chez le conjoint qui peut lui-même aboutir à une dépression.
Le conjoint dépressif qui rejette l’aide et la présence de l’autre
Il existe aussi des « conjoints aidants ». Ils se documentent et cherchent à comprendre la maladie et ses symptômes. Par amour, ils offrent leur soutien et leur affection dans les moments les plus difficiles. Mais il peut alors arriver que ce soit le dépressif qui repousse ou rejette son conjoint aussi soutenant soit-il.
Le patient dépressif peut vraiment avoir une piètre image de lui-même, ne plus se sentir « aimable » et avoir honte d’être dans cet état. Il peut alors rejeter le soutien de son partenaire et son partenaire tout court. Se sentant « un boulet » pour l’autre, il peut préférer préserver son conjoint par amour, estimer qu’il mérite mieux que d’être avec lui, ou encore, par pudeur il préfère rester seul avec son fardeau et ne déranger personne.
L’action des antidépresseurs peut contribuer à induire le rejet du conjoint. Le dépressif étant relativement coupé de ses émotions, l’idée de perdre son conjoint ne suscite pas forcément grand-chose chez lui au niveau émotionnel. Et puis le dépressif peut se sentir complètement abruti lorsque le traitement médicamenteux est lourd, ignorer tous ceux qui l’entourent y compris son conjoint : c’est également une forme de rejet.
Réussir à surmonter une dépression au sein d’un couple peut avoir plusieurs aspects positifs. Cette épreuve renforce votre relation en développant une compréhension et une empathie plus profonde l’un pour l’autre. Elle améliore votre communication car cette expérience vous aura appris à exprimer ouvertement et honnêtement vos sentiments et préoccupations. Cette épreuve développe la résilience, vous serez plus solides dans votre capacité à affronter ensemble d’éventuelles autres difficultés futures. Vous veillez davantage au bien-être mental et physique de l’autre et de vous-même : « prendre soin l’un de l’autre » aura une autre signification, une autre saveur.
Notons qu’en cas de dépression, il est nécessaire d’être suivi par un médecin ou psychiatre. Le soutien du conjoint est très important mais ne se substitue pas à l’aide apportée par le personnel soignant ou par un suivi médical et thérapeutique.
FAQs :
Mon conjoint montre des signes de dépression mais refuse de le voir, que faire?
Votre conjoint a peut-être besoin de plus de temps pour se rendre compte de sa situation. Continuez d’être attentif à ses comportements et ses ressentis, observez si ces signes perdurent plusieurs semaines ou bien si c’était seulement une “mauvaise passe”. S’il vous apparaît que la situation ne s’améliore pas, voire se dégrade : réitérez votre remarque en vous appuyant sur quelques points de son comportement de façon factuelle et non jugeante.
Je suis en dépression et mon conjoint ne me comprend plus, que faire?
Votre conjoint peut ressentir des difficultés par rapport à votre maladie et ne pas savoir comment se comporter avec vous. Il peut ne pas se sentir à la hauteur, avoir peur d’être maladroit, être inquiet et ne pas savoir comment réagir. Les maladies mentales effraient certaines personnes ou génèrent beaucoup de doutes et d’incompréhension. Essayez de communiquer pas à pas avec lui, et exprimez vos besoins : cela peut clarifier sa compréhension de votre maladie et l’aider à vivre avec cette situation.
Comment aider mon conjoint en dépression?
Vous pouvez l’aider par votre simple présence et votre attention. Même si c’est parfois difficile pour lui de s’exprimer sur sa maladie ou sur la reconnaissance qu’il vous porte, soyez certain que votre présence bienveillante l’aide beaucoup. Le plus important est de faire preuve de compréhension, de soutien et d’écoute, et aussi de valoriser par des encouragements les petits efforts qu’il parvient à faire.
Je songeais à quitter mon conjoint, mais maintenant que je sais qu’il est en dépression, je ne sais plus quoi faire?
Ceci est à l’appréciation de chacun. Si l’envie de rompre était en lien avec ses symptômes dépressifs, il faut peut-être vous laisser du temps et traverser cette épreuve ensemble. S’il n’y a pas de rapport avec son comportement dépressif, et que vous estimez être arrivé à la fin de votre histoire : plusieurs possibilités s’offrent à vous. Vous pouvez rester et l’accompagner par loyauté, vous pouvez maintenir votre désir de rompre et travailler sur votre culpabilité, vous pouvez rompre et être présent et aidant d’une autre façon, etc.
Mon conjoint atteint de dépression me reproche de l’étouffer et de l’envahir avec mon aide, que faire?
Tâchez de lui laisser plus d’espace. Parfois une personne atteinte de dépression oscille entre un besoin de soutien et un besoin de liberté. Elle n’est pas toujours capable de communiquer cette ambivalence et peut parfois paraître ingrate. N’en faites pas une affaire personnelle, essayez de trouver la juste place et sachez qu’elle est mouvante. Dans tous les cas, un conjoint dépressif ne souhaite pas que son partenaire soit dans des extrêmes. Il s’agit de ne pas l’infantiliser, ni de le laisser se débrouiller complètement tout seul : c’est le juste milieu qui convient. Il faut être flexible et s’adapter aux besoins du moment.
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