Dépression existentielle
La dénomination de « dépression existentielle » est inspirée et issue du courant de pensées existentialiste. Ce type de dépression se distingue par des questionnements existentiels obsessionnels qui provoquent beaucoup d’angoisses profondes et insoutenables, ainsi qu’une tristesse persistante. Elle touche davantage les 40-50 ans, mais personne n’est à l’abri : un événement de vie traumatisant mêlé d’un profond sentiment d’injustice et d’incompréhension peut survenir à tout âge en fonction de l’expérience vécue. Une psychothérapie de soutien est souvent nécessaire pour traverser cet épisode dépressif. Il permet de recevoir de l’aide pour démêler les méandres de ces questionnements envahissants et effrayants sur notre vie et sur l’existence en général. Malgré les douleurs vécues et ressenties durant cette dépression, à terme, elle peut aussi s’avérer salvatrice et être un déclic pour des changements importants, pour un autre chapitre de votre vie.
Origines de la notion de dépression existentielles
Plusieurs penseurs existentialistes ont réfléchi et fait des écrits sur le sens de l’existence. Nous allons voir un aperçu des idées de ce courant de pensée existentialiste du 19e et 20e siècle, afin de comprendre pourquoi les psychiatres ont par la suite utilisé cette terminologie de « dépression existentielle ».
Les penseurs existentialistes philosophent sur le sens de la vie
Friedrich Nietzsche (19e s.) fût un des pionniers de la philosophie existentielle.
Albert Camus a mis en avant l’absurdité de la vie. Ce qu’il a écrit dans « Le Mythe de Sisyphe » est une métaphore de la condition humaine, où l’on comprend qu’être en quête de sens de la vie est une tâche sans fin. Il est préférable d’accueillir la vie telle qu’elle est, sans sens ultime, et d’y trouver des moments de joie et de satisfaction dans chacune de nos expériences.
Jean-Paul Sarte a soutenu que la vie n’avait pas de sens prédéterminé et que chacun était libre de lui donner un sens. Chaque être commence par naître et exister, puis ce n’est qu’au fil de son chemin de vie au travers des expériences et des décisions prises, qu’il lui devient possible de déterminer un sens. L’idée c’est que chaque personne est responsable de sa vie, libre de la mener comme il l’entend, et libre de lui attribuer le sens qu’il veut. Cette vision peut à la fois être libératrice et angoissante. Il précise également que pour que la vie ait un sens, il faut agir de façon authentique en accord avec ses valeurs sans se conformer aux normes dictées par la société.
De la philosophie à la dépression existentielle
Un seul mot nous envahit lors de crise existentielle : « pourquoi… »
Au fil de l’histoire et dans le monde entier, l’Homme s’est toujours interrogé sur le sens de l’existence. Il cherche à comprendre différentes choses : pourquoi je suis là, quelle est ma « mission » sur Terre, à quoi je sers, … Il a toujours été difficilement supportable pour l’Homme de se dire qu’il était là par hasard, sans aucun but particulier, et qu’il n’est qu’un petit maillon d’une longue chaîne humaine inutile dans un monde absurde : c’est un non-sens. L’être humain a toujours essayé de donner un sens à la vie pour éviter les angoisses et la dépression.
Il est possible de traverser cette période de « crise » en faisant « seulement » de la déprime. Mais si des symptômes dépressifs apparaissent : on parlera alors de dépression existentielle, en lien avec ce courant philosophique existentialiste.
C’est le psychiatre Heinz Häfner qui parlera de dépression existentielle pour la première fois dans les années 1950. Puis Irvin David Yalom, professeur en psychiatrie, approfondira l’étude de cette dépression dans les années 1980.
Bien que les psychologues cliniciens et les psychiatres reconnaissent la dépression existentielle, elle n’est pas encore intégrée au DSM-V (manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux) où sont répertoriés toutes les maladies et troubles mentaux avec leurs critères.
Dépression ou crise existentielle : les causes
La dépression existentielle peut intervenir lorsqu’une personne s’interroge sur des questionnements profonds concernant la vie en général et sa vie en particulier. Souvent, la crise commence par la remise en question, suite à un événement, de choix faits dans un domaine de son existence suite à un événement. Puis le champ de ses questionnements s’élargit et s’étend de façon globale.
Les prises de conscience des grandes vérité de l’existence humaine
La mort est inévitable, elle fait partie de la vie. Cette évidence peut générer beaucoup d’angoisses sur sa propre mort et sur celle de ses proches.
La vie n’a aucun sens intrinsèque, elle n’a aucun but. La vie est vide de sens. L’être humain n’aime pas le vide, c’est terrifiant, alors il a tendance à chercher à le remplir de quelque façon que ce soit.
Ce vide est une liberté responsabilisante. Chacun est libre de donner le sens qu’il souhaite à sa vie. Cette prise de conscience est déstabilisante, angoissante.
Cette solitude existentielle est inéluctable : même en étant entouré de personnes (famille, conjoint, enfant, amis, collègues) nous sommes fondamentalement et éminemment seuls.
Dépression ou crise existentielle : les symptômes
Cette immersion prolongée dans un vide sans réponse induit une crise identitaire chez l’individu qui en est atteint, évoluer vers un état dépressif. Voici les symptômes de la dépression existentielle :
– Sentiment de vide existentiel persistant : la vie paraît n’avoir aucun sens et aucune valeur.
– Angoisses « existentielles » : des pensées angoissantes sur la mort, l’absence de sens de la vie, la prise de conscience d’être seul bien qu’entouré, la liberté de devoir trouver soi-même une signification à l’existence.
– Questionnements obsessionnels : pour trouver un sens à la vie en général et la sienne en particulier. Les pensées obsessionnelles causent un déséquilibre émotionnel intense.
– Sentiment de déconnexion avec le reste du monde : un sentiment de profonde solitude face à votre quête existentielle que l’entourage ne semble pas partager.
– Sentiment de confusion : sensation d’être perdu dans les méandres de sa propre vie.
– Sentiment d’injustice : injustices personnelles, sociales, mondiales.
– Désespoir et tristesse constante.
– Perte d’intérêt pour les activités jugées auparavant agréables.
– Repli sur soi-même.
– Trouble du sommeil : fatigue, apathie.
– Hyperémotivité : anxiété, irritabilité.
– Perte de motivation et difficulté à réaliser les tâches du quotidien.
– Idées suicidaires.
Dans certains cas, une personne commençant à se sentir submergée de questions existentielles peut se mettre à « fuir » cet état, et avoir des réactions impulsives en prenant des décisions brutales de changement de vie. En d’autres termes, elle remplit sa vie d’autre chose, car se retrouver seule face à ses interrogations et ce ressenti de vide existentiel lui est insupportable.
La dépendance à une substance ou à un comportement étant la plupart du temps une réponse compensatoire à un vide émotionnel affectif, il n’est pas rare que cette fuite passe également par l’addiction (alcool, drogues, etc.).
Le burn out : signe d’une crise existentielle
Le syndrome d’épuisement professionnel ou autre burn out (parental, aidants, etc.) « signe » très souvent une crise existentielle. Selon les situations, il peut en être la cause ou bien la conséquence.
Ressentir un vide existentiel est une suite fréquente de burn out. La personne atteinte peut éprouver de la confusion sur le sens de sa vie professionnelle ou personnelle, et sur l’existence en général. Ces sentiments et interrogations sont susceptibles d’entraîner une dépression existentielle.
A contrario, une personne atteinte d’un état dépressif existentiel sera particulièrement vulnérable à subir un burn out.
Gestion et traitement de la dépression existentielle
Il est important d’essayer de garder une bonne hygiène de vie et de ne pas vous isoler socialement. Mais il est surtout nécessaire de suivre une psychothérapie et de demander l’avis de votre médecin sur l’utilité de prendre un traitement médicamenteux ou non.
La psychothérapie
Pour dénouer toutes ces questions existentielles, évacuer vos pensées souffrantes, trouver du réconfort, avancer dans votre quête personnelle : contactez un professionnel de la santé mentale. Faite une thérapie de soutien avec un psychiatre, un psychanalyste ou un psychothérapeute comportementaliste (TCC).
En plus de cet apport de soutien, effectuer un travail psychanalytique permet de retracer son histoire depuis la petite enfance. Il aide à décortiquer un certain nombre d’éléments qui font : que vous êtes ce que vous êtes, que vous avez des valeurs qui sont les vôtres, que vous êtes passés par ce chemin de vie plutôt qu’un autre, que vous avez pris telle place et intégré telles pensées, et que vous en êtes arrivé là aujourd’hui, dans l’état dans lequel vous êtes. Tout un programme aux multiples bénéfices.
En ce qui concerne la thérapie TTC, en plus du soutien, elle serait davantage axée sur un travail visant à agir sur vos pensées négatives et sur vos comportements négatifs associés pour les modifier. C’est un « réapprentissage » au niveau de vos cognitions, qui sont des « contenus de pensées » surgissant de manière automatique et déclenchant des comportements et des réactions émotionnelles de façon automatique.
Cet accompagnement vous aidera à mettre de l’ordre et du sens à votre vie, à reconstituer votre feuille de route pour l’avenir avec : vos buts, vos étapes, vos souhaits, vos priorités, vos ressources (vos forces personnelles), vos moyens, votre capacité à identifier ce qui vous fait du bien et vous donne de la joie (activité, relation), etc.
La médication
Les antidépresseurs peuvent être nécessaires selon la gravité des cas. Ils peuvent parfois être associés à des anxiolytiques. La médication en soi n’est pas une solution, mais plutôt un outil pour vous accompagner dans une période psychologiquement éprouvante. La prise de ces médicaments doit être limitée dans le temps. Elle permet d’atténuer certains symptômes pour ne pas s’enfoncer dans une dépression sévère. Il faut voir les antidépresseurs et anxiolytiques comme une « béquille », le temps de débroussailler l’ensemble de vos pensées angoissantes éparpillées dans les labyrinthes de votre cerveau et de retrouver un équilibre émotionnel relativement apaisé.
Votre médecin ou psychiatre adaptera votre traitement ainsi que les dosages en fonction de votre situation.
La dépression existentielle : une chance ?
Même si traverser une dépression ou une crise existentielle est une expérience très douloureuse, elle peut aussi être salvatrice. Être dans une période d’introspection profonde permet de redéfinir un certain nombre de choses dans sa vie.
C’est « l’occasion » de faire le point sur ce qui compte vraiment pour vous : de clarifier vos objectifs de vie, vos croyances et vos valeurs personnelles. C’est aussi une période pour mieux identifier vos désirs et vous permettre de prendre de meilleures décisions en adéquation avec vos idées et vos ressentis. C’est en résumé, l’occasion d’apprendre à être aligné(e), mieux ancré(e), plus sûr(e) de soi, plus heureux.se.
Vous développerez votre capacité de résilience, votre capacité à apprécier tous les moments de joies et de partage qui se présentent à vous. C’est aussi l’occasion de parfaire vos relations avec vos proches en échangeant avec plus de profondeur sur vos craintes et doutes existentiels. Grâce à cela, vous ressentirez de la solidarité et de la compréhension mutuelle, ou pas… A partir de là pourra s’effectuer un tri naturel dans votre entourage : un renouveau sur la qualité de vos relations, un abandon ou une mise à distance de certains liens, une ouverture pour accueillir de nouvelles personnes ayant les mêmes valeurs et la même sensibilité que vous.
Enfin, cette dépression existentielle peut servir de déclic pour vous donner l’impulsion de mener un changement de vie majeur : reconversion professionnelle, déménagement, rupture affective, engagement dans une association humanitaire, etc.
La dépression existentielle survient lorsqu’une personne traverse un événement ou une période difficile remettant en question le sens de sa vie. Elle peut se retrouver alors aux prises avec de grandes questions existentielles. Il importe dans ce cas d’éviter de s’isoler afin de ne pas laisser les symptômes de l’état dépressif s’installer durablement : prenez contact avec un professionnel de la santé mentale pour évaluer la situation et vous apporter de l’aide.
FAQs :
Mon compagnon fait une dépression existentielle, comment puis-je l’aider ?
Garder le sourire et être chaleureux est primordial. Il est important de lui montrer votre compréhension de son état en lui prêtant une écoute active et en accueillant ses sentiments négatifs et ses interrogations. Enfin, il faut montrer votre soutien en étant présent(e), en lui demandant s’il y a quelque chose que vous pouvez faire pour l’aider, et en l’encourageant à suivre ou poursuivre une psychothérapie.
La crise de milieu de vie est-elle inévitable et comment l’anticiper ?
Pour prévenir d’une crise existentielle, il est important d’identifier ses valeurs, ses besoins et ses désirs, puis de prendre des décisions et d’agir en les respectant. Il est nécessaire de rester aligné avec soi-même sans se laisser influencer par autrui : posez vos limites, apprenez à dire non et à vous écouter. Enfin, cultivez un état d’esprit optimiste : portez votre attention sur toutes les personnes et les choses qui vous apportent de la joie, du plaisir et de la satisfaction. Soyez reconnaissant de vivre chaque événement positif au quotidien.
Mon enfant diagnostiqué HPI a-t-il plus de chance de faire une dépression existentielle ?
Les enfants HPI ont davantage de probabilité de faire une dépression existentielle. Soyez particulièrement à l’écoute de votre enfant, ayez une relation de confiance avec une communication bienveillante. Les HPI souffrent particulièrement du poids des injustices. De plus, leur différence fait qu’ils souffrent également de solitude, d’isolement et souvent de harcèlement. Il faudra être particulièrement vigilant à ces signes pour préserver son équilibre émotionnel.
Je ne trouve quasiment plus aucun sens à mon activité professionnelle, que faire ?
Beaucoup de crises existentielles commencent par un burn out, et ne plus trouver de sens à son travail peut en être l’un des signes. Il est important de prendre du recul pour analyser si vous avez affaire à un coup de déprime passager ou à quelque chose de plus profond. Auquel cas, vous pouvez demander l’avis de votre médecin traitant, prendre un congé maladie, commencer à faire le point pour envisager une nouvelle activité professionnelle.
Comment faire la différence entre une dépression réactionnelle et une dépression existentielle ?
Ces deux types de dépressions surgissent suite à un événement de vie traumatisant et anxiogène. Ils génèrent un profond mal-être, des angoisses et une tristesse persistante. En plus, pour la dépression existentielle, il y a beaucoup de remise en question de sa propre vie, et surtout des questionnements existentiels plus profonds et plus généraux sur le sens de la vie. Selon Yahom ces « enjeux ultimes » sont : la mort, la liberté, l’isolement fondamental et l’absence de sens.
Voir aussi :