Dépression génétique

La dépression est une maladie mentale qui touche environ un tiers de la population française. L’état dépressif se caractérise par un sentiment de tristesse et de désespoir profond, une perte d’intérêt pour les activités récréatives habituelles, et une tendance à l’isolement social. Il est souvent associé à une diminution des capacités cognitives, une baisse de l’estime de soi, des troubles du sommeil et de l’appétit, des idées noires et une fatigue persistante malgré le repos.

Si vous réfléchissez à propos des maladies présentes dans votre lignée familiale, ou si vous entreprenez un travail en psychogénéalogie : vous constaterez peut-être que bon nombre des membres de votre famille ont vécu une dépression. Peut-on alors parler de dépression génétique ? Il existe clairement une prédisposition génétique à la dépression. Toutefois, l’état dépressif est généralement le résultat d’une combinaison de plusieurs facteurs. Les gènes transmis peuvent présenter un terrain favorable à la survenue d’une dépression, et nous verrons dans cet article dans quelle mesure.

Les gènes, les maladies génétiques : qu’est-ce que c’est ?

Dans chaque cellule de l’être humain se trouvent 46 chromosomes, appariés en 23 paires, sur lesquels l’information génétique de l’individu est répartie. Pour chaque paire, il y a un chromosome d’origine paternelle et un chromosome d’origine maternelle. Les gènes sont situés sur nos chromosomes et sont constitués par des segments de notre ADN.

Lorsque nous parlons de  « maladie héréditaire »  cela signifie que la transmission peut se faire à travers la génétique mais pas obligatoirement. Une maladie héréditaire peut également se transmettre au sein d’une famille via des comportements et des pensées (les cognitions) sans qu’il y ait nécessairement une transmission génétique des parents vers les enfants.

Les « maladies génétiques »  sont toujours causées par les gènes, mais elles ne sont pas toutes héréditaires. La maladie génétique peut être le fruit d’une anomalie de gène transmise par le génome des parents (dans ce cas la maladie est génétique et héréditaire). Mais la maladie génétique peut également survenir à cause de mutations génétiques produites accidentellement pendant le développement embryonnaire d’un individu. Dans ce cas là, il y a apparition d’une maladie alors qu’elle n’est pas présente dans le génome des parents : la pathologie est génétique mais pas héréditaire.

Peut-on parler de dépression génétique?

La dépression est multifactorielle, donc même s’il existe une prédisposition génétique au sein de votre famille, on ne peut pas parler de  «  dépression génétique ». En effet, selon les recherches actuelles, il n’existe pas de « gène de la dépression » unique, des parties de plusieurs gènes seraient responsables de l’augmentation des risques de dépression (30 % de risques supplémentaires comparé à quelqu’un qui n’aurait pas de prédisposition génétique).

L’hérédité et la génétique constituent un facteur de risque de la dépression, mais il doit croiser d’autres facteurs pour qu’un état dépressif se déclenche (par exemple : un énorme stress, un décès, un traumatisme, des problèmes de santé, certains traitements médicaux, etc.)

Génétique et santé mentale : les incidences sur l’humeur

Le code ADN se transmet dans le noyau de chaque cellule du corps dès la conception. C’est l’ADN qui porte les gènes, donc chaque cellule a les mêmes gènes. Le système ADN permet d’orchestrer le développement et le fonctionnement de la personne. Une partie des neurones (cellules du cerveau) est impliquée dans la régulation de l’humeur et du moral de la personne. L’ADN de ces neurones-ci commande la fabrication de molécules chimiques (monoamines) permettant à ces neurones de se connecter entre eux. Ces monoamines sont au nombre de trois : la dopamine, la noradrénaline et la sérotonine. Pour faire simple, le moral d’une personne dépend de l’action conjuguée de ces molécules monoamines et d’une multitude d’autres molécules qui les entourent.

Il y a une possibilité de transmission génétique de certains troubles mentaux. Par exemple, les troubles du spectre autistique (TAS) présentent un risque de transmission de 80 %, le trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH) présentent un risque de 70 %, la schizophrénie ou le trouble bipolaire de type I présente un risque de transmission de 10 % (50 % si les deux parents sont porteurs de la maladie). En ce qui concerne la dépression, on estime le risque de transmission à 30 %.

Ce pourcentage indique un taux de vulnérabilité génétique. Biologiquement, cette vulnérabilité génétique est présente dans l’ADN des neurones du système limbique d’une personne. Dans le cas de maladies comme la dépression, la bipolarité ou la schizophrénie, cette vulnérabilité génétique peut rester en sommeil tout au long de la vie sans jamais « se réveiller » : on parlera de prédisposition génétique.

Pour que la maladie se déclenche, le facteur génétique doit croiser d’autres facteurs (environnementaux, biologiques, psychologiques). A ce moment-là, ce ou ces autres facteurs vont fragiliser le centre de commande ADN, qui va à son tour devenir instable et ne pourra plus donner des ordres de commande « parfaits » aux molécules monoamines et celles qui l’entourent. Cela provoque un déséquilibre dans la production des molécules responsables de la régulation du moral et cause la maladie.

Le rôle des gènes dans la dépression est-il essentiel ?

Si on compare le déclenchement de la dépression à la résolution d’une énigme : on pourrait dire que l’information de prédisposition génétique n’est qu’un indice parmi d’autres. Il existe plusieurs façons de résoudre une énigme (de déclencher une dépression), certaines personnes ont besoin de beaucoup d’indices (facteurs), pour d’autres deux indices suffisent. Et enfin, la résolution de l’énigme peut arriver sans avoir obtenu l’indice génétique (le développement d’une dépression peut arriver sans qu’il y ait une prédisposition génétique). Le rôle des gènes n’est donc pas essentiel dans la survenue d’une dépression.

Études sur des jumeaux : prédisposition génétique à la dépression

Les études sur les jumeaux sont intéressantes pour explorer la génétique des maladies humaines, y compris la dépression. Il existe deux types de jumeaux : les jumeaux monozygotes (identiques) qui partagent 100% de leurs gènes, et les jumeaux dizygotes (non identiques) qui, comme les frères et sœurs typiques, partagent environ 50% de leurs gènes.

Dans les études de jumeaux, les chercheurs comparent la concordance des maladies, c’est-à-dire la probabilité que si un jumeau a une maladie, l’autre l’aura également. Si une maladie est principalement causée par des facteurs génétiques, on s’attendrait à ce que la concordance soit plus élevée chez les jumeaux monozygotes que chez les jumeaux dizygotes.

Voici ce que les études de jumeaux nous ont appris sur la dépression :

– Concordance plus élevée chez les jumeaux identiques : Plusieurs études ont montré que si un jumeau monozygote développe une dépression majeure, le risque que l’autre jumeau développe également la maladie est nettement plus élevé que chez les jumeaux dizygotes. Cela suggère un rôle important des facteurs génétiques dans la dépression.

– Influence environnementale : Cependant, la concordance pour la dépression n’est pas de 100% chez les jumeaux monozygotes. Cela signifie que même si une personne a exactement le même génome qu’une personne atteinte de dépression, elle ne développera pas nécessairement elle-même la dépression. Cela met en évidence l’importance des facteurs environnementaux et de l’expérience de vie individuelle dans le développement de la dépression.

– Estimations d’héritabilité : Les études de jumeaux ont permis d’estimer « l’héritabilité » de la dépression, c’est-à-dire la proportion de la variabilité de la maladie qui peut être attribuée à des facteurs génétiques. Ces estimations varient, mais la plupart se situent entre 30% et 40%.

Quelles interactions entre les facteurs génétiques et environnementaux

Il existe une interaction constante entre les gènes et l’environnement de la personne, dans un sens et dans l’autre. L’expression de nos gènes évolue au cours de notre vie, de notre conception jusqu’à notre mort.

Une fragilité au niveau des gènes influence la manière dont une personne réagit aux effets du stress, même sans atteindre le stade du trouble dépressif.

Le contexte de vie d’une personne peut avoir un impact sur son génome. Certains facteurs environnementaux peuvent avoir une incidence sur les gènes, par exemple : avoir une mauvaise alimentation, mener une vie particulièrement anxiogène, faire face à des vécus douloureux ou traumatisants, avoir des comportements addictifs, etc. Nos gènes subissent certains changements et peuvent devenir vulnérables au cours de notre vie.

L’épigénétique, qu’est-ce que c’est ?

L’épigénétique est l’étude des modifications chimiques de l’ADN et des protéines associées à l’ADN, qui peuvent changer l’activité des gènes sans changer la séquence d’ADN elle-même. Ces modifications sont dites « au-dessus » ou « en plus » de la génétique, d’où le terme « épigénétique ».

Les marques épigénétiques portées par l’ADN peuvent être ajoutées ou enlevées en réponse à divers facteurs environnementaux tels que l’alimentation, le stress, l’exercice physique et l’exposition à des substances chimiques, etc. Ces modifications peuvent alors influencer l’activité des gènes et avoir un impact sur la santé et le comportement d’un individu.

 Le rôle potentiel de l’épigénétique dans la dépression

En ce qui concerne la dépression, voici comment l’épigénétique pourrait jouer un rôle :

– La réponse au stress: Le stress est un facteur majeur de déclenchement de la dépression. Des recherches ont montré que l’exposition chronique au stress peut entraîner des modifications épigénétiques qui altèrent la façon dont le cerveau gère le stress. Par exemple, le stress peut modifier l’activité de gènes impliqués dans la réponse de l’organisme au cortisol, une hormone de stress. Ces changements peuvent rendre un individu plus vulnérable à la dépression.

– La neuroplasticité: La neuroplasticité est la capacité du cerveau à se remodeler en réponse à l’expérience. Des études suggèrent que des modifications épigénétiques seraient susceptibles d’affecter la neuroplasticité, ce qui pourrait contribuer à la dépression. Par exemple, des modifications épigénétiques pourraient affecter l’expression de gènes impliqués dans la croissance et la survie des neurones, ce qui pourrait altérer la structure et le fonctionnement du cerveau de manière à augmenter le risque de dépression.

– La transmission intergénérationnelle: Certaines recherches suggèrent que les modifications épigénétiques liées à la dépression pourraient être transmises d’une génération à l’autre. Par exemple, si une femme enceinte est exposée à un stress sévère, cela pourrait entraîner chez son enfant des modifications épigénétiques susceptibles d’augmenter son risque de développer un état dépressif ultérieur au cours de sa vie.

Le diagnostic des troubles mentaux génétiques

La prévention et la détection des troubles mentaux sont facilités dans le cas d’antécédents familiaux et de prédisposition génétique connus. Dans le cadre de la prévention, cela permet d’être vigilant et d’adapter son hygiène et son mode de vie afin d’éviter au maximum la possibilité de faire une dépression ou de développer un trouble mental. Dans le contexte du diagnostic psychiatrique, cette connaissance des antécédents familiaux offre la possibilité d’identifier plus rapidement les signes et les symptômes du trouble, et donc de pouvoir intervenir plus rapidement pour traiter la dépression ou d’autres troubles mentaux.

La prise en charge rapide de l’état dépressif peut limiter l’impact et les séquelles dans la vie quotidienne, dans les comportements, dans la gestion émotionnelle des événements et au niveau de la génétique.

Traitements personnalisés basés sur le profil génétique

Pour l’instant, il n’y a pas de traitement spécifique associé à la dépression génétique. Des études sur la génétique sont actuellement en cours dans cette optique. La neurologie et la génétique sont des domaines où il reste beaucoup à apprendre, même si régulièrement un certain nombre de découvertes voient le jour.

Une meilleure compréhension de la dépression génétique pourrait conduire à de nouvelles approches de médication dans l’avenir. Par exemple, dans l’hypothèse où des chercheurs réussiraient à identifier précisément les gènes contribuant au développement de la dépression, il devrait être possible de mettre au point des traitements à base de médicaments (nouveaux ou préexistants) ciblant ces gènes en particulier ou leurs voies biologiques. Ce serait une avancée enrichissante majeure.

La génétique est un domaine de recherche très actif et beaucoup de choses restent à découvrir. La dépression génétique est une terminologie indiquant le risque potentiel de transmission de l’état dépressif par le biais des gènes. Toutefois, le facteur génétique n’est qu’un élément parmi d’autres favorisant le développement d’une dépression. Cette maladie mentale est multifactorielle : elle nécessite la combinaison de plusieurs facteurs. En cas de symptômes dépressifs, qu’il y ait ou non une fragilité familiale à cette pathologie, prenez contact avec votre médecin ou avec un psychiatre afin d’évaluer votre situation et de vous recommander le traitement approprié.

FAQs :

 

 

Est-ce que le gène de la dépression existe ?

Non il n’y a pas de gène de la dépression. Des études sont toujours en cours et estime que la forme de plusieurs parties de gènes serait en cause pour la prédisposition génétique de la dépression. Il semblerait notamment qu’une « partie » de la région du gène SLC6A4 pourrait avoir un rôle prépondérant dans la venue d’un syndrome dépressif.

 

 

 

 

Comment prévenir des risques d’une dépression génétique ?

Il est recommandé de favoriser une bonne hygiène de vie : des repas variés, un sommeil régulier, une activité physique régulière, des moments de relaxation, des loisirs plaisants, une vie sociale enrichissante humainement, etc. Par ailleurs, essayez de mettre tout en œuvre pour vous construire une vie la moins stressante possible afin d’être plus en mesure de maintenir au mieux votre équilibre émotionnel.

 

 

 

 

J’ai des symptômes dépressifs sans avoir de prédisposition génétique, est-ce normal ?

Il est tout à fait possible de développer un syndrome dépressif même s’il n’y a pas d’antécédents familiaux. Des facteurs autres que la génétique peuvent mener à la dépression. Par exemple, si vous avez une psychologie sensible avec des problèmes d’estime de soi avec une tendance pessimiste, et qu’un événement traumatisant émotionnellement survient dans votre vie (rupture, perte d’emploi, décès, etc.) : vous pouvez tomber en dépression.

 

 

 

 

Mes parents et moi sommes dépressifs, devons-nous faire une thérapie familiale ?

Les facteurs conduisant à la dépression peuvent être différents ou du moins être perçus différemment par chaque personne. Le plus important est de suivre le traitement personnel préconisé par votre médecin ou psychiatre. Dans la plupart des cas, on traite la dépression avec des antidépresseurs et une thérapie de soutien. Selon la situation, une thérapie familiale peut avoir son intérêt.

 

 

 

 

Une dépression chronique est-elle causée par l’hérédité et la génétique ?

L’état dépressif chronique comme tout autre dépression peut être influencé par les antécédents familiaux. Le facteur génétique augmente les risques de faire une dépression au cours de sa vie, qu’elle soit chronique ou non. Si vous avez un parent atteint de dépression chronique et que vous avez vécu avec lui, le risque de transmission génétique et héréditaire s’évalue à environ 30 %.